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Malnutrition au Burundi : le verdict des chiffres

Plusieurs acteurs, tant publics que non-gouvernementaux, ont récemment fait état d’une situation « préoccupante » de la malnutrition au Burundi. Tour d’horizon, chiffres à l’appui.

L’état nutritionnel des enfants est parmi la dizaine d’indicateurs contenus dans l’EDS-III[1]. Il ressort de ce dernier que 56 % des enfants de 0 à 59 mois souffrent de malnutrition chronique dont 25 % dans sa forme sévère.  Les enfants vivants en milieu rural avec 59 % des cas sont les plus touchés par le retard de croissance (indicateur d’une malnutrition chronique) comparé à ceux vivants en milieu urbain qui totalisent 28%.

L’émaciation (maigreur extrême), qui signe une malnutrition aigüe, a été retrouvée chez 5% des enfants dont 4% dans sa forme la plus modérée. Ici par contre, le milieu de résidence des enfants ne semble pas très déterminant : 3% chez les enfants résidants en milieu urbain contre 5 % chez les enfants résidants en milieu rural.

L’autre enseignement important de cette enquête est l’influence de l’instruction de la mère sur l’état nutritionnel de l’enfant. La malnutrition chronique atteint les 61% chez les enfants de mère sans niveau d’instruction, 56% chez les enfants dont la mère a le niveau primaire et 40% chez ceux dont la mère a un niveau secondaire ou plus.

Et le bilan du traitement ?

La prise en charge des cas de malnutrition fait partie de la stratégie du PCIME (Prise en Charge Intégrée des Maladies de l’Enfant). Fruit d’un partenariat entre l’OMS et l’UNICEF, cette dernière a été adoptée au Burundi en 2003. Objectif : la réduction de la mortalité, de la morbidité et des incapacités ainsi que l’amélioration de la croissance et le développement des enfants de moins de 5 ans. 

Conçue essentiellement à l’intention des pays à faible revenu où les services de santé sont souvent démunis, elle permet aux professionnels de la santé d’offrir des soins qui prennent en compte « divers facteurs qui exposent l’enfant à un risque grave ». La prévention par la vaccination et l’amélioration de la nutrition y sont également préconisées.

Mars dernier, une étude[2] a été publiée sur l’apport de la PCIME dans la prise en compte des cas de malnutrition lors des consultations externes dans les établissements de soins. Elle conclut qu’une proportion considérable d’enfants ne reçoit pas de soins précoces et efficaces, surtout ceux se rapportant à la malnutrition. Et pour cause ? Dans 76% des cas, les mères des enfants déclarent n’avoir jamais reçu de conseils nutritionnels et 50% des prestataires reconnaissent n’en avoir jamais donné.

Une situation d’insécurité alimentaire décrite comme « préoccupante »

C’est du moins l’analyse de la Sécurité Alimentaire d’Urgence au Burundi (EFSA)[3]. Réalisée au mois de Mars 2017 par le Programme Alimentaire Mondiale, l’étude révèle que 45,5% des ménages au Burundi vivent en insécurité alimentaire dont 8,5% en situation de sécurité alimentaire sévère. 13,8 % des ménages ont une consommation alimentaire pauvre, 46,2% des ménages ont un score de diversité alimentaire pauvre tandis que 61% des ménages adjugent plus de 65% de leurs dépenses à l’alimentation.

Comparée à la même étude, réalisée une année plus tôt, l’EFSA 2017 témoigne d’une « détérioration de la situation alimentaire ». Et pour preuve ! De 2016 à 2017, le taux d’insécurité alimentaire sévère est passé de 5,9% à 8,5%. 11 provinces sur 18 ont connu ces heures de dépit, la province Ruyigi étant largement en avance avec une progression de l’insécurité alimentaire de 33%, suivie des provinces Ngozi (15,3%), Rumonge (8,3%) et Kayanza (6,6%).

A l’origine de cette situation sont pointés du doigt les aléas climatiques ayant marqué la saison culturale 2017A. Les provinces Cibitoke, Cankuzo, Bujumbura affichaient par contre une certaine embellie. Deux  explications sont privilégiées par les auteurs. Le fait que l’étude de 2017 ait été réalisée durant la période de récoltes de la saison 2017A et l’octroi à plus ou moins 120 000 personnes d’une assistance en semences et en rations de protection des semences.

Les ménages face à la crise alimentaire

Les différentes facettes d’une crise alimentaires prolongée entraînent alors des stratégies non-alimentaires d’adaptation au niveau des ménages. Ces dernières sont classées par ordre de gravité croissante : stratégies de stress, stratégies de crise ainsi que les stratégies d’urgence. Entre Juillet et Septembre 2018, le Cadre Intégré de Classification de la Sécurité Alimentaire a rapporté que 1 % de la population a eu recours à des stratégies d’urgence, 12% à des stratégies de crise et 43% des stratégies stress. Fait établi, la situation des ménages renseigne sur leur état de pauvreté. L’EFSA rapporte que dans 65,5% des cas pour les premiers et 65% pour les seconds, les divorcés et les couples séparés sont en insécurité alimentaire.


[1] Isteebu, Enquête Démographique et de Santé du Burundi 2016-2017, 2018.
[2] Manassé Nimpagaritse & al., Addressing malnutrition among children in routine care:  how is the Integrated Management of Childhood Illnesses strategy implemented at health center level in Burundi ?, 2019.
[3] PAM, Analyse de la sécurité alimentaire d’urgence au Burundi, 2017.

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