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Biens saisis : les limites de l’autorité administrative

Des biens et marchandises illicites sont souvent saisis dans différents coins du pays par l’autorité administrative puis revendus. D’aucuns se demandent si ces mandataires publics en ont la prérogative ou si elle revient à l’OBR (Office Burundais des Recettes) …

L’article 69 de la Constitution Burundaise dispose : « Les biens publics sont sacrés et inviolables. Chacun est tenu de les respecter scrupuleusement et de les protéger. Chaque Burundais a le devoir de défendre le patrimoine national. »

Cette disposition donne le ton en matière de lutte contre la corruption. En somme, c’est une affaire de tout le monde, du moins tous ceux et celles qui se reconnaissent comme Burundais. A. Ndereyimana, habitante de la zone Cibitoke en a fait les frais, il y a quelques années.

Un jour, raconte-t-elle, elle a vu débarqué chez elle, le chef de quartier et des policiers, pour une opération de rafle des pagnes qu’elle avait faites rentrer illégalement de la RDC : « J’ai appris par après que j’avais été dénoncée par des voisins. » Evidemment, poursuit-elle, les pagnes furent saisis puis revendus : « J’aurais voulu les récupérer moyennant paiement d’une amende mais je fus menacée d’emprisonnement si je persistais à les réclamer. »  Depuis, elle s’est reconvertie dans la vente du haricot et tient un stock des vivres au marché de Cotebu.

Une autre source confie sous anonymat que ses pagnes ont, un jour été saisis par des policiers dans une opération de recherche d’armes à feu au nord de Bujumbura : « Ils sont arrivés chez moi très tôt le matin, disant qu’ils procédaient à la fouille des armes puis ils sont tombés sur les pagnes de ma femme. Elle a eu beau expliquer que c’était pour son usage personnel mais les policiers l’ont embarqué avec ses pagnes, expliquant que si c’était vrai, elle aurait découpé les pagnes en tissus. » Notre source explique que sa femme a été relâchée moyennant versement d’une amende mais les pagnes n’ont jamais été récupérés.

Certes le devoir du citoyen nous interpelle à lutter contre toute pratique illicite et la fraude mais la question ici est savoir qui dispose des prérogatives de saisir et vendre les biens saisis. Est-ce la police ? L’administration locale ? Les agents de la douane ?

« Son rôle devrait être de saisir puis transmettre à la Justice »

Pour rappel, plusieurs textes de loi comme le Code pénal détermine la nature des biens saisis comme celle opérée par la justice dans le cadre d’une enquête ou dans le cadre d’un vol et où les biens volés sont saisis. Dans ce cas, si le propriétaire ne parvient pas à être identifié, les biens saisis sont, à un certain moment, vendus et l’argent est versé dans le Trésor Public.

Toutefois, des administratifs et même des policiers s’arrogent le droit de vendre les biens saisis souvent lorsqu’il s’agit des produits Brarudi, les pagnes ou le sucre alors que cela n’est pas dans leurs prérogatives, confie Gabriel Rufyiri, le président de l’Olucome (Observatoire de lutte contre les malversations économiques). « Il y a des autorités à qui ont été conférées les compétences d’OPJ (officier de police judiciaire) comme l’administrateur communal. Mais son rôle est de traiter les dossiers administrativement parlant et se limiter aux amendes selon des cas. »

Gabriel Rufyiri, le président de l’Olucome (Observatoire de lutte contre les malversations économiques)

En cas de saisi des biens dans une localité, soutient M. Rufyiri, l’autorité administrative, doit transmettre le dossier à la Justice et n’a pas les prérogatives de revendre les marchandises ni les biens saisis : « Le rôle des administratifs est de saisir et de conférer aux autorités compétentes en l’occurrence la Justice. C’est la Justice qui décide du sort des biens saisis. La loi stipule que seul le procureur a le droit de clôturer un dossier judiciaire et donc c’est à lui de décider de revendre les biens saisis car cette matière relève du domaine de la loi. »  

Une procédure claire et limpide à l’OBR

L’autre cas fait référence aux biens saisis par les agents de la Douane et des Impôts en l’occurrence l’OBR. Le bureau a même un détachement des forces de l’ordre à son service pour mieux s’acquitter de cette tâche, rappelle Gabriel Rufyiri : « Si les biens sont saisis dans le cadre d’une fraude fiscale ou d’une contrebande, la procédure de l’OBR est claire. Le procès-verbal de saisie est établi directement et conjointement signé sur place par l’agent saisissant et le contrevenant. »

Contacté, une source à l’OBR, nous a indiqué que e procès-verbal de saisi ou d’infraction en matière douanière est établi chaque fois en deux exemplaires : « L’un est remis au contrevenant et l’autre reste dans les mains de l’agent saisissant pour le classement. Cela est fait dans un souci de transparence et surtout pour éviter l’abus du pouvoir. »

Quid des réclamations et des produits illicites ?

Les marchandises saisies sont transportées vers l’entrepôt de l’OBR où elles sont conservées en attendant que le contrevenant se présente pour prendre connaissance des droits et taxes ainsi que des amendes à payer afin que les marchandises lui soient remises.

Il arrive des fois où, soutient une source à l’OBR, le contrevenant refuse la transaction ou décide d’abandonner les marchandises saisies. Ici, à la fin de la période (relativement de six mois) d’entreposage prévue par la loi sur la Gestion des Douanes de la Communauté Est-Africaine, les marchandises sont transmises à la commission chargée de la vente aux enchères. « Les marchandises facilement périssables sont également vendues aux enchères publiques conformément à la note de Service 23 mars 2016 », soutient la même source.

En cas de saisi des produits interdits de vente au Burundi à l’instar des pagnes, des drogues, des médicaments prohibés sur le sol Burundais, ces marchandises sont saisies et confisquées puis détruites si elles sont interdites ou gérées selon les conditions déterminées par le Commissaire de l’OBR si elles sont restreintes.

Pour plus d’efficacité dans la lutte contre la fraude, une prime a été instituée à toute personne qui dénonce une fraude fiscale ou douanière aux autorités de l’OBR depuis 2018. Cette prime est fixée à 10% du montant des droits, impôts et taxes éludés ou compromis établis ou redressés par les services compétents de l’OBR suite à la dénonciation. Des numéros verts ont été mis en place pour toute dénonciation et le traitement se fait en toute confidentialité.

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